Article francebleu.fr Par Hugo Flotat-Talon, France Bleu Belfort-Montbéliard, France Bleu Besançon et France Bleu lundi 22 février 2016 En visite en Polynésie française ce lundi, François Hollande devra répondre aux demandes des victimes des essais nucléaires. Près de 200 000 Français été confrontés aux bombes atomiques entre 1960 et 1996. L’ancien soldat haut-saônois Michel Berly attend des excuses de l’Etat Français.
Dans des wagons à bétail. C’est ainsi que Michel Berly a rejoint l’Algérie et le désert du Sahara en 1960. A l’époque, celui qui a aujourd’hui 76 ans, effectue son service millitaire. “On savait pas pourquoi on allait là-bas, on ne savait même pas ce qu’on allait faire, c’est en arrivant là-bas qu’on a su que c’était pour les bombes atomiques”, raconte le retraité devant son carnet de notes de l’époque. Michel vivra trois explosions nucléaires, jusqu’à son retour en France en 1962. “Ca fait un éclair plus puissant que le soleil, ça monte à plus de dix kilomètres dans le ciel et soudain l’onde de choc fauche tout sur son passage. Ca n’a rien à voir avec une explosion normale, c’est énorme. On tourne le dos, faut pas regarder sinon on est aveugle”, raconte celui qui s’est une fois retrouvé à moins de 2 kilomètres de la bombe.
“On ne se rendait pas compte”
A l’époque, Michel Berly sait le nucléaire dangereux, mais l’information reste limitée. “On avait des masques, des gants et des bottes en caoutchouc mais c’est tout. On avait vingts ans, on y allait et c’est tout”, explique-t-il. “Et puis ça n’a pas d’odeur, ce ne se voit pas, ça fait pas mal, on ne se rendait pas compte”. La hiérarchie n’hésite même pas à multiplier les risques. “Une fois le nuage atomique est passé au dessus de notre tête à cause du vent. Mon appareil de mesure indiquait un danger critique, mais on a reçu l’ordre de ne pas bouger”, se désole aujourd’hui celui qui est devenu président de l’association des vétérans des essais nucléaires pour la Haute-Saône. Il raconte encore ces soldats qui manœuvraient à quelques centaines de mètres du point d’impact de la bombe. “Certains ont été jusqu’à 650 mètres du point zéro ! C’est complètement dingue”.
“Mes amis sont presque tous morts”
Si Michel Berly a pu reprendre une vie active normale à son retour en France en 1962, beaucoup de ces camarades n’ont pas eu cette chance. Il égraine les noms en montrant une photo de l’époque. “Là c’est Laurent, il est mort un an après être rentré.” Une leucémie aiguë. “Ce n’est pas le seul, un autre est mort de la même chose un an après. Ce n’est pas par hasard”, estime Michel Berly. “Sur les 8 en photo là, on est plus que 3 vivants. Tous les autres j’étais aux enterrements”, se désole le retraité. Avant de se montrer plus en colère : “C’est l’Etat qui nous a pris pour des cobayes pour voir comment on réagissait à la radioactivité”.
Aujourd’hui il aimerait une reconnaissance et de l’argent pour ses camarades malades encore en vie. “Une loi a été faite, mais elle est inapplicable parce qu’en haut lieu on nous dit que les bombes étaient « propres ». J’ai jamais vu une bombe atomique propre !”, martèle Michel. Seules une vingtaine de personnes auraient aujourd’hui été officiellement reconnues comme victimes. Michel Berly aimerait que lors de sa vite en Polynésie Française François Hollande s’excuse au nom de l’Etat français. “On donne la légion d’honneur à des gens du showbiz mais pour nous on va faire comme pour les poilus, on va attendre qu’on est 90 ans”. Et de conclure : “Ça ne servira à rien, on sera tous morts déjà”.