Le témoignage d’un ancien marin breton
Alors que le Président de la République est dans le Pacifique, 50 ans après les essais nucléaires auxquels il a participé, Claude Hamard raconte « on n’avait pas de protection, juste un short et un tee-shirt face à un monstre de particules radioactives. »Publié le 26/07/2021 à 17h59 • Mis à jour le 26/07/2021 à 18h20
Il y a huit mois, lors d’une banale prise de sang, Claude Hamard a découvert que ses lymphocytes commençaient à grimper. Leucémie ont annoncé les médecins. Claude Hamard en est persuadé, cette maladie vient de loin. En 1971, il était à Mururoa pour participer aux essais nucléaires français.
10 000, 20 000, 40 000 … Quand Claude Hamard a vu ses lymphocytes s’emballer, il a immédiatement fait le lien avec ce qu’il a vécu dans la Pacifique il y a 50 ans. « Aujourd’hui, explique-t-il, je suis à 120 000 au lieu de 4 000. J’ai une leucémie lymphoïde chronique.«
Une maladie qui ne fait pas partie de la liste des 21 reconnues comme radio-induites.
Mais si la chose est impossible à prouver, l’ancien militaire ne peut s’empêcher de faire le lien avec ce qu’il a vécu en 1971 dans le lagon de Mururoa, au cœur du centre expérimental du Pacifique.
Le tout jeune Claude Hamard, puisqu’il était encore mineur, s’est engagé « en toute innocence« . Il est parti de Brest, a effectué un arrêt à Dakar, un autre à Lima puis le cap a été mis sur Mururoa.
20, 30 fois Hiroshima
Il a participé à cinq essais nucléaires, « cinq bombes« , dit-il, « en matière de puissance, c’était 10, 20, 30 fois Hiroshima. Et ce qu’il faut savoir, précise Claude, c’est que lorsque la bombe a explosé, il faut cinq ans avant qu’elle ne soit entièrement dissoute dans l’atmosphère. »
« Moi, détaille- t-il, j’étais sur le bateau directeur De Grasse. Avant chaque explosion, il y avait une recherche météo pour pas que ça nous retombe sur le nez. On préférait que ça aille ailleurs. Et quand c’était bon, on appuyait sur le bouton et ça partait. »
Aucune protection face au monstre nucléaire
Claude se souvient qu’au moment de la détonation, on leur demandait de regarder l’arrière du bateau pour ne pas être brulés. « Mais après, on se retournait et on observait les retombées. On faisait péter les bombes et puis on nous envoyait à Bora Bora pour quelques jours, sans doute histoire qu’on ne prenne pas trop de trucs. Mais on n’avait pas de protection, pas de dosimètre, juste un short et un tee shirt en guise de bouclier face à ce monstre de particules radioactives. »
« La radioactivité s’est accaparée de mes lymphocytes, souffle-t-il, sur l’effectif du bateau, un copain m’a dit que 30 à 40% des bonhommes avaient disparu. Mais il n’y a pas de chiffres, pas d’informations, on ne sait rien » soupire -t-il. « 193 essais nucléaires ont eu lieu dans le Pacifique. »
« C’était il y a 50 ans et c’est la grande muette, mais on aimerait qu’on ouvre la porte pour nous dire ce qui s’est passé. On voudrait un peu de reconnaissance et des excuses ».