La Dépêche du Midi.9 décembre 2012
De gauche à droite, Gérard Dellac, membre fondateur de l’AVEN; Jean-Jacques Gourde, délégué régional Midi-Pyrénées; Arlette Dellac, vice-présidente, et Joël Bourday, adhérent, témoin des essais./Photo DDM, S. F.
Trouver des témoins des essais nucléaires est une des vocations de l’Association des vétérans des essais nucléaires. Elle en a rencontré un à Castres en la personne de Joël Bourday, qui était à Mururoa en 1986.
Se préoccuper de la santé sur les essais nucléaires en vue d’un suivi médical, trouver des témoins des essais réalisés au Sahara ou en Polynésie : deux objectifs que se sont fixés les fondateurs de l’Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) en mars 2001. Depuis, une fois par an, ses représentants proposent aux militaires ou civils qui ont participé aux essais nucléaires au Sahara ou en Polynésie de venir s’informer sur les démarches à effectuer «pour faire reconnaître par l’Etat le lien entre leurs problèmes de santé et leur séjour sur les sites», indique la responsable tarnaise Arlette Dellac.
C’est dans ce cadre, récemment, qu’ils ont rencontré Joël Bourday, 59 ans, de Labruguière. Retraité de l’armée et du 8e RPIMa, où il s’était engagé de 1973 à 1989, cet adhérent de l’AVEN est un ancien des essais nucléaires de Mururoa.
«En 1985, j’avais 30 ans. Je suis parti là-bas pour travailler pour le centre d’essais atomiques, raconte-t-il. Notre mission consistait à décontaminer le site au sein d’une cellule spécialisée. Protégés par une combinaison étanche, le temps passé sur le site était compté, pas plus de deux heures ! Beaucoup de contrôles étaient réalisés, sur le matériel, sur les hommes, pour notre santé…» Au préalable, Joël Bourday et ses collègues avaient suivi une formation à Cherbourg, en centrale nucléaire.
«Pour ceux qui étaient dans l’ignorance»
Aujourd’hui, l’ancien militaire souffre d’un cancer de la gorge. «Je connaissais les risques. Nous ne sommes pas partis à l’aveuglette. Comme dans n’importe quel métier, précise-t-il. On savait ce qui pouvait nous arriver mais on ignorait sûrement tous les dangers. En tant que militaires, on était un peu dans le secret, mais on exécutait les ordres dans le cadre d’une mission spécialisée. Pour l’avenir, pour la grandeur de la France !» Eux savaient. Les civils certainement pas. En 1996, Joël Bourday a assisté aux derniers tirs avant de rentrer en France et poursuivre son parcours militaire puis civil, à la Poste. Il a adhéré à l’AVEN «pour ceux qui étaient dans l’ignorance, pour les maladies et les contaminations qui ne sont pas reconnues !» Selon son épouse Roselyne, «Joël ne souffre pas d’un cancer du fumeur. Lors de visites et de contre-visites chez les spécialistes, nous avons rencontré d’autres anciens militaires du «8», qui ont les mêmes symptômes. Tous étaient des sportifs, pas des fumeurs !» Comme tous les adhérents de l’AVEN, elle a décidé de mener ce combat. Un combat de longue haleine contre le manque de reconnaissance envers les veuves et les enfants d’anciens militaires ou civils, «pour soutenir la cause de tous les vétérans et particulièrement ceux porteurs de maladies radio-induites».
«Ne veut que vérité et justice»
L’AVEN se déclare «ni politisée, ni pro, ni antinucléaire». L’AVEN «ne veut que vérité et justice». Depuis la loi du 5 janvier 2012, «l’Etat doit démontrer que les participants à ces essais n’ont pas de maladie, suite à ces essais justement», assure Arlette Dellac. Plus de 200 essais se sont déroulés au Sahara, dans le désert algérien, entre 1960 et 1966, puis en Polynésie, jusqu’en 1996, année de la signature du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE). «Sur 755 dossiers présentés, 7 seulement ont été indemnisés pour des maladies radio-induites», ajoute la vice-présidente de l’AVEN.
Sylvie Ferré