Article de lornecombattante.fr 2016/03/06 par Thomas Gourlin
En 1973, Gérard Duval était à Mururoa. Il a vu 6 explosions atomiques. Depuis, il se bat pour que le statut des vétérans des essais nucléaires soit reconnu.
Il a observé six explosions nucléaires, en short et en tee-shirt, à trois kilomètres du champignon atomique. À 62 ans, Gérard Duval est retourné dans son village natal de Bellou-en-Houlme, dans l’Orne, pour passer sa retraite.
Derrière son sourire se cache une inquiétude, une angoisse latente qui reste, comme une épée de Damoclès, présente à son esprit.
Membre de l’Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), il a effectué son service militaire au début des années 70, à Mururoa, sur le site où la France testait son meilleur outil de dissuasion militaire.
Affecté sur Le Moselle
À 18 ans, Gérard Duval faisait son service militaire. Après avoir fait ses classes à Brest, il est parti en Polynésie française en 1973. En mars 1973, je suis arrivé à Papeete, à Tahiti. J’ai été transféré dans un camp militaire puis j’ai pris l’avion pour Mururoa où j’ai été affecté au bâtiment base nommé Le Moselle.
Sur ce gros bateau, il est chargé avec l’équipage de ravitailler la cinquantaine de techniciens qui travaillent sur les essais nucléaires aériens.
Gérard Duval se souvient : “C’était le bateau d’où partait le top qui déclenchait l’explosion. À chaque essai nucléaire, nous étions situés à 3 000 mètres de la bombe H”.
Entre juillet et août 1973, Gérard Duval a assisté à six explosions.
On était sur le pont du bateau quand les essais avaient lieu. Nous étions en short et en tee-shirt, avec des lunettes infrarouges pour protéger nos yeux du flash. On était au courant de rien concernant les risques que les radiations représentaient. Pourtant, six essais c’est à peu près 120 fois Hiroshima. Pas de protection
« Après chaque essai, nous étions chargés de nettoyer le pont des poussières véhiculées par les bombes. On faisait ça à mains nues, sans protection » Il se souvient aussi d’avoir collecté, récolté et éloigné les nombreux poissons morts que la mer refluait sur les rivages de l’île quelques jours après chacune des explosions.
À l’époque, ce sujet était des plus sensibles. Les militaires n’avaient pas le droit d’en parler, même à leurs propres familles. « On ouvrait nos courriers. On n’avait pas le droit d’en parler et nous étions au courant de rien » Effet des radiations
À la fin de son service, Gérard Duval a eu quelques petits soucis de santé :
En février 1974, j’ai été hospitalisé dans un hôpital militaire à Paris pour des vomissements, des fièvres, des tremblements et une forme d’angoisse. Je n’ai jamais eu l’explication de ces symptômes.
Depuis, Gérard Duval a eu la chance de vivre avec une santé apparemment relativement préservée des effets des radiations. « Je me suis marié et j’ai eu deux enfants. Ils sont en bonne santé. Mais je peux vous dire que ça m’a particulièrement angoissé quand j’ai su que j’allais être père ».
Depuis, avec l’AVEN, il milite pour que la République française reconnaisse le risque qu’elle a fait courir à ces hommes et qu’elle leur accorde le statut d’anciens combattants. « La France a envoyé là-bas ses enfants comme cobayes », estime l’intéressé. « Pour le moment, les cas reconnus sont très peu nombreux. En fait, c’est toujours très dur de faire établir un lien de causalité entre une maladie grave et les radiations dues aux essais nucléaires ».
Discours de François Hollande
Sur le discours tenu par le président de la République, François Hollande, lundi 22 février 2016 à Papeete, où le chef de l’État a reconnu que les essais nucléaires avaient eu un « impact » sur l’environnement et la santé, Gérard Duval est amère :
« Vis-à-vis du peuple polynésien, il n’a pas demandé pardon au nom de l’État. En 1973, l’État était forcément au courant des conséquences des radiations. C’est en voyant François Hollande là-bas que je me suis décidé à en parler dans la presse »
Thomas Gourlin